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the qui ornaient les colonnettes de l’escalier. Le tapis, dévoré marche à marche, bouillonnait comme un vin pourpre, et une fumée rose tournait en spire le long de la rampe. Cela montait vertigineusement, attisé par l’air vif des lucarnes du dôme. Le donjon entier n’était plus qu’une cheminée colossale. Un bouquet d’étincelles s’épanouit jusqu’aux narines de Paul-Éric. Il se recula, suffoqué. Reutler laissa retomber la trappe.

— Tu comprends ? ricana l’aîné.

— Parbleu ! sourit le cadet. (Et il ajouta de sa voix chantante qui pleurait :) Ça nous apprendra, mon grand, à installer le fourneau de notre cuisinière dans nos salons ! Ce qu’il va faire chaud ! Passe-moi mon éventail !

Il devint d’une pâleur transparente, ses lèvres frémirent, ses doigts, agités de petits frissons séniles, froissèrent convulsivement le satin de sa robe. Pourtant, il ne baissa pas les paupières.

— Ah ! Princesse, s’exclama Reutler, vous êtes vraiment digne de l’apothéose !

Et il lui tendit l’éventail.

Paul-Éric chancela, s’abattit sur le divan. Reutler se prosterna et lui baisa les pieds, ses étroits pieds nus, nerveusement crispés par la frayeur.

— On ne peut pas nous sauver ! Nous sommes trop hauts ! La plaisanterie dépasse les bornes ! balbutiait le jeune homme s’éventant d’un mouvement machinal. Personne qui puisse grimper ni du dedans, ni du dehors ! Elle est jolie ton apothéose ! Personne pour nous admirer !… (Défaillant, il se blottit dans les bras de son aîné.) Quand on pense que toi, tu as traversé ça !… Tu es un Dieu… seule-