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Rodrigue as-tu du cœur ? Non ! Pas le matin ! Surtout avec une aurore pareille, une clarté crue qui vous fait le teint vert ! Non ! Je ne veux pas mourir à vingt ans… là… ni qu’on t’enferme, car je ne vivrai pas sans toi, mon grand hercule ! C’est eux que nous tuerons, s’ils montent…

— Tu m’aimes bien, Éric ?

— Décidément, ton cœur bat, Reutler ?… tu n’es plus en marbre !

— Ah ! gronda désespérément Reutler, que pourrait-on faire pour te donner le courage, le suprême courage qui procure la suprême beauté, dis, mon fils ?

— Ne m’appelle pas ton fils, d’abord, grand nigaud, ça te vieillit !…

— Et si je demandais à la princesse de Byzance d’être, pour moi, son fervent adorateur, une créature surhumaine, comme il n’y en eut jamais ? Si je lui demandais de regarder la mort en face et d’en sourire ? Allons-nous donc mentir et ruser jusqu’à la dernière minute ? râla Reutler s’agenouillant devant l’idole.

Paul-Éric se dressa, théâtral, merveilleux, dans sa robe couleur d’azur et fleurie d’étincelantes chimères ; il arrondit ses bras blancs au-dessus de sa tête que nimbait la rouge aurore.

— Je répondrais que je suis prête et ne mentirais plus !

L’aîné courut ouvrir la trappe.

— Viens voir, dit-il, c’est très curieux !

Le jeune homme se pencha sur la fournaise.

Le premier palier flambait. Des flammes s’enroulaient en volutes gracieuses aux feuilles d’acan-