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une issue plus obscure… si on avait encore le temps de choisir.

Elle avait, en effet, bien travaillé, par la rage, par la ruse, par la furie de toutes ses nouvelles passions, épanouies avec ses nouveaux sens de femme.

N’était-elle pas celle à qui l’on permettait d’écouter aux portes ? Elle avait très distinctement entendu le serment du maître. Il l’épouserait et il ne serait pas l’époux. Elle savait pourquoi ! Faisant semblant de fuir du côté de l’étang — ce n’était pas l’eau qu’elle aimait, elle, et on ne l’éteindrait pas dans la pureté glaciale — elle était revenue, souple couleuvre, par les chais de la maison, les caves remplies des provisions de bois pour l’hiver. Là, il y avait tout ce qui était nécessaire pour allumer le grand feu de joie de son amour. Éric n’aurait pas le temps d’échapper, parce que l’escalier de sa prison, large comme un chœur d’église, flamberait sûrement. Jorgon, le vieux chien, ne bougerait plus, dès les premières fumées. Restait le maître !… Il était jeune celui-là, il fallait l’enchaîner, et elle se coula dans l’obscurité des corridors, pour aller le voir dormir, tandis que déjà s’illuminait Rocheuse par tous les soupiraux de ses caves. S’il ne s’était pas couché tout vêtu, à cet instant de passion qui l’incendiait, la petite servante hystérique se serait glissée dans ses bras, l’aurait pris de force ; seulement, on ne pouvait pas toucher au chaste, un sort le défendait, même durant son sommeil. Elle s’était retirée en fermant sa porte à double tour, pour le murer vivant dans leur bonheur, le feu ! Puis elle était partie, droit devant elle…