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— Monsieur le baron ne se fâchera pas… la cuisinière est partie quand elle a entendu que vous appeliez Mademoiselle Marie votre fiancée, elle a eu peur !

Reutler éclata d’un rire exaspéré et gagna son lit sur lequel il se jeta tout vêtu. En vérité, la folie régnait à Rocheuse. Finirait-elle par l’atteindre, lui, le maître ?…

 

Le baron de Fertzen se réveilla péniblement. Il aspira l’air qui lui parut lourd, car il sortait d’un affreux cauchemar. Oui, on venait lui annoncer quelque chose ! Il avait encore dans le cerveau, le pas des cavaliers… de beaucoup de cavaliers s’approchant au galop… et des bruits de hourrah frénétiques, le bruit d’une foule, d’une armée qui passe en trombe ! On lui rapportait cette malheureuse, elle était morte… Puis une obsédante idée le hanta : le rêve comme la réalité, n’existait pas. Il vivait un double cauchemar. Ensuite, il songea que cette fille était partie en lui volant son frère. Elle avait pénétré dans le donjon, malgré le chien fidèle qui veillait, et elle s’était sauvée, le tenant aux cheveux !… Ah ! La folie ! Cela débutait ainsi, on ne débrouillait plus ses pensées de la brume des rêves… Reutler chercha sa montre, près de lui, une grosse montre à cristal bombé, et il examina la lampe… Il lui sembla que la lampe ne formait plus qu’un œil rouge clignant sans rien éclairer, et sur la montre il vit une singulière buée. Il n’y voyait plus nettement la nuit, il n’y voyait même plus du tout.

— J’ai une fièvre cérébrale, pensa-t-il, je suis fini.