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lez tous vous mettre à sa recherche. Vous irez dans la forêt, vous visiterez les buissons, les taillis, et le petit étang. Vous descendrez la colline, vous irez au village, vous ferez sonder les puits, les mares, vous irez partout où il y du danger, partout où une femme peut se précipiter pour mourir. Sellez mes chevaux, je vais en prendre un et je vous précéderai. Mademoiselle Marie a eu peur, quelqu’un lui a fait très peur chez moi, elle est sortie en courant comme une folle, comprenez-vous ? Maintenant, si on vous demande pourquoi le baron de Fertzen tient tant à retrouver cette servante, vous répondrez (et Reutler éleva la voix impérieusement) vous répondrez que Mademoiselle Marie est ma fiancée. Allez, je vous défends de rentrer sans elle.

Une stupéfaction profonde s’empara des gens de Reutler. Hésitants, ils se consultèrent du regard, mais le geste de cet hercule ayant encore toute sa puissance magnétique, ils jugèrent plus prudent d’obéir.

Au galop, Reutler se rendit sur les bords du petit lac limpide où le bel Éric trempait, l’été, ses bras cerclés d’or et où il venait rêver d’apparition païenne. Reutler n’y trouva aucune trace de suicide. On voyait le fond de l’eau pure se tapisser de feuilles pourries, la moirant de reflets bleuâtres, et rien ne ridait cette onde froide, unie comme un miroir ancien. Il laissa ses gens fouiller l’étang et courut le bois. Il courut jusqu’à la nuit close, interrogeant les gardes, les paysans ébahis. Un qui ramassait des branches sèches lui dit qu’il avait vu passer, oui bien, une femme, seulement elle re-