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le baron de Fertzen ! épouser une fille salie par ton cadet ! Toi, le grand, le maître, le mari de ta servante ! Attends ! Ton joujou va être enfin utile… Non ! non ! je le garde ! j’aime mieux régler ça moi-même… Laisse donc, sacredieu ! Moi aussi, j’ai la monomanie du meurtre, maintenant ! Laisse… que je monte la tuer !… Et c’est qu’il le ferait comme il l’a dit, cet imbécile ! Elle t’a volé ta parole, hein ! Ah ! je tuerai tout le monde ! Quand on veut donner une poupée à son frère, on l’achète, mais pas avec son cœur : ton cœur, c’est mon bien, et pour oser me le reprendre, il faut que cette fille te paraisse plus précieuse que ma personne. Tu dois l’aimer sans t’en douter. C’est elle qui t’a jeté un sort. Laisse-moi la rejoindre tout de suite, laisse-moi la tuer… ou je me tue !

Le tigre était dans une telle colère, il avait une figure si rose de fureur, et miaulait sa rage si terriblement, que Reutler se remit à genoux.

— Je t’en prie, mon Éric, ne crie pas ! Elle ou les autres vont venir… et ces scènes, devant les domestiques, c’est dangereux !

Il eut le courage de sourire.

— Épouseras-tu ? s’exclama le jeune homme, plaçant le canon du revolver sous son menton.

Reutler eut un geste désespéré. Il rampa.

— Non ! Non ! Jette cette arme !… Je t’adore… Jette-la… Je suis ton esclave !

— Jure que tu ne l’épouseras pas !

— Oh ! Éric ! tu me demandes l’impossible… tu me demandes de manquer à ma parole… aie pitié de moi !

— Je ne te demande que l’impossible. Le reste