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front mélancoliquement appuyé à ce faux décor irisant le vrai :

— Nous habitons une maison de cristal ! Rien n’est plus pur… que le fond de nos fenêtres !…

Et ce soir-là, dans le fond des fenêtres, à Rocheuse, le rouge soleil d’octobre, semblant mourir de honte, ruisselait en flots pourpres, flambait d’une colère divine…

Reutler, le coude sur le clavier de son orgue, le menton pris entre ses doigts frissonnants écoutait fuir le dernier sanglot de son âme.

Oh ! la lueur blonde qui jouait sa gamme à travers les ondes sonores, cette chevelure fée qu’on nouait et dénouait derrière son épaule, qui le caressait d’une invisible main dont les ongles étaient des étincelles… Comme il se sentait seul… et double ! Il leva la tête pour que ses larmes, retombant dans sa poitrine, eussent enfin le droit de brûler son cœur. Il savait très bien l’impression terriblement sensuelle que lui produisait la musique et ne tentait plus de s’y soustraire. À quoi bon les luttes et les scrupules vis-à-vis de sa propre conscience ? Désespéré, jaloux, malheureux de ses victoires comme de ses défaites, il demeurait certain de son état avec la lucidité du médecin qui, depuis longtemps, s’étudie et Se condamne. La catastrophe se Rapprochait ; il la sentait venir, fondre sur lui dans le vent d’ouragan ou dans la brise légèrement froide, embaumait les fleurs expirantes de cette fin de belle saison… si morne ! Il n’y échapperait point et, ce Soir de solitude, il était descendu, à pas furtifs, redoutant les rencontres, pour se griser, ouvrir cet orgue, y plonger