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vous étiez venu et qu’on se battait encore ! Je me suis jetée dans sa chambre n’ayant qu’un jupon sur moi.

— Quand un homme a vu les seins d’une femme, cette femme lui appartient.

Marie se recula et avec un geste extrêmement chaste, car il avait la spontanéité d’un signe religieux, elle ouvrit son corsage, lui montra ses seins, tout petits, fleuris de rose.

— Voilà, dit-elle, regardez donc ! Je suis à vous comme à lui, mais davantage à vous… parce qu’il faudra qu’il me prenne de force, vous savez, tandis que je vous en donne la vue pour le plaisir.

Et elle reboutonna son corsage.

Malheureusement, Marie venait d’accomplir l’acte qui pouvait déplaire le plus au baron Jacques-Reutler de Fertzen : un acte d’impudeur. Il ne concevait pas un idéal féminin sans une pureté absolue, c’est-à-dire qu’il ne concevait pas du tout l’idéal en question. Il demandait l’impossible. Il tolérait à la rigueur que son frère, le bel Éric, fût provoquant et parfaitement oublieux des plus élémentaires lois de la décence, mais c’était le mâle, le maître, celui qui a le droit d’agir et n’a pas à se préoccuper des détails de sa toilette même lorsqu’il lui convient de s’avilir vis-à-vis de ses domestiques. Un moment arrive — il le pensait — où celui-là qui porte, en essence, toutes les vertus, peut se relever du seul effort de sa volonté. Les femmes ne sont pas des volontaires en amour, elles sont les reflets pâles d’une puissance qu’elles ne comprennent pas et subissent. Si cette fille tombait, elle ne saurait se relever seule, elle roulerait inconsciemment à tou-