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On voit bien que Monsieur Paul n’est plus malade… vous n’avez plus besoin de moi.

— Si, j’ai toujours besoin de toi, soupira-t-il d’un ton bas, plein de compassion. (Il lui prit les mains, posa son genou sur une fumeuse, s’accouda au dossier pour être à sa hauteur et cependant garder une barrière entre elle et lui.) Éric te tourmente ? Réponds sans trembler.

— Monsieur, dit-elle tout d’un trait, il faut que je sache la vérité une bonne fois. J’ai pas de rapport à vous faire. Votre frère plaisante, dame, j’ai trop souvent couché près de lui pour qu’il me respecte… Et c’est de votre faute, pas de la sienne. Dieu merci, n’y tenait pas, autrefois, puisqu’il ne pouvait pas me souffrir. Maintenant, il me raconte tout autant de vilaines choses et il est tout autant méchant, seulement, il me chiffonne davantage et j’aime pas ça !…

— En es-tu sûr ? interrompit Reutler, plongeant ses yeux calmes dans les yeux troublés de la jeune fille.

Elle rougit.

— Monsieur Éric ne me fait pas peur, mais il me bouleverse ! J’ai le cœur qui me bat depuis ce matin à m’enlever la respiration ! C’est pas une existence… Surtout qu’il prétend que vous savez très bien ce qui se passe… Ramenez-moi à l’hospice, je suis pas tranquille, la tête me tourne…

— Pourquoi te refuses-tu ? précisa Reutler.

— Je… le déteste. Vous me permettriez…

— Marie, je ne te juge pas, je ne t’ai jamais jugée, au contraire, je t’absous d’avance, car il y a des malades qu’on ne peut guérir que par l’a-