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récompenser de son attention, de Crossac volait quelques idées à de Fertzen, de ces idées qui vous amènent souvent à une bonne petite invention industrielle, sans qu’on y songe plus que de raison. D’ailleurs, ce grand-là, d’origine autrichienne, n’avait pas la mine d’un qui désire follement enrichir la France de nouvelles découvertes. Il s’exprimait en amateur, comme un dépaysé qu’aucune gloire n’intéresse.

Paul, passant derrière son frère, le poussa du coude, tout en saluant très gracieusement le comte de Crossac.

— Je vais où tu sais, glissa-t-il à Reutler. Serai pas long. Nous partirons dès le rideau levé, j’y tiens.

Et le jeune homme s’éclipsa par le corridor dit des coulisses, pendant que son aîné ressaisissait le fil d’une anecdote relative à la dernière fouille du sarcophage.

Dans le corridor, Paul de Fertzen se retourna ; il aperçut, au bout de ce couloir obscur, la claire perspective du champ des têtes, ondulant sous les rutilances du salon jaune. La plupart de ces crânes d’hommes étaient chauves comme celui du mari, et, de loin, cela rappelait un parterre de gros pavots blanchâtres, encore en boutons. Se détachant de cet arrière-plan ridicule, la silhouette sombre de son frère paraissait grandir prodigieusement. Il le voyait ciseler son éternel sourire énigmatique avec son index, comme quelqu’un qui, de là-bas, lui eût recommandé le silence.

— Ou je suis halluciné, ou l’on jurerait que Reutler n’a plus sa névralgie ! Ah ! mon mysté-