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— Allez ! Allez ! Mes enfants ! C’est très bien ! Vous êtes presque aussi forts l’un que l’autre ! Prince Mes-Yeux, vous l’aveuglerez peut-être, mais il vous tuera ! Le vilain chien fidèle aura le dessus ! Hardi ! Gare aux ailes ! Gare à la jupe verte !… Ah ! pauvre prince, vous êtes trop beau !… et trop méchant, et trop entêté ! Il vous tient, le maudit chien féroce ! le chien si obéissant ! Ouf ! ça y est ! Patience ! son tour viendra…

Le jeune homme parlait à voix basse, d’une voix sifflant étrangement entre ses lèvres rouges. En un magistral coup de gueule, le sloughi éventra l’oiseau. Le prince Mes-Yeux, étendu sur le dos, sans pouvoir se relever du milieu de son manteau impérial, agita frénétiquement les pattes et, tordant sa petite tête de vipère bleue, il expira. On vit onduler, tout le long de ses plumes, un reflet d’azur clair, une teinte plus ciel et plus tendre, comme si la mort revêtait sa beauté d’une nouvelle robe plus précieuse, puis il redevint vert triste et ce fut fini.

— Mon imbécile de bon chien, soupira Paul, tu as exécuté là un tour de passe-passe qui va te coûter cher ! Apporte ! et prends un air modeste. C’est maintenant que nous allons chasser ma bête à moi.

Ils remontèrent les terrasses, le chien traînant sa proie, magnifique, et ils rentrèrent à Rocheuse, cherchant leur maître.

Celui-ci travaillait dans sa chambre, ayant abandonné son observatoire où Paul ne venait pas le soir, trop occupé par sa dernière œuvre de séduction. Leur intimité fraternelle n’était qu’une appa-