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Paul se dirigea vers la porte, hésita, puis se tourna :

— Dîne-t-on toujours chez vous à six heures, Monsieur ?

— Je le pense, à moins que vous n’ayez donné de nouveaux ordres, répondit Reutler ironique.

— Tant mieux ! J’ai faim. Venez-vous ? Nous serons très spirituels ce soir. Je crois que nous ferons des mots pour Jorgon. Quel métier !

— Il aime peut-être cette fille… pensait Reutler. Sa voix tremble !… Et s’il l’aimait… Il serait sauvé bien réellement, il s’en irait de moi. Oh ! je ne veux donc plus qu’il soit sauvé. Je ne sais donc plus vouloir.

Il le rejoignit d’un pas rapide.

— Écoutez, dit-il, prenant son bras pour le mettre sous le sien, en descendant le grand escalier de Rocheuse, selon la coutume de leurs beaux jours d’union. Puisque vous faites mes… femmes, faites donc aussi les mots, il me restera le plaisir de vous regarder car, moi, je ne cherche nullement à remplacer l’idole dans le mortel silence de mon temple.

— Quelle idole, mon cher ami ?

Et Paul retira son bras d’un geste mâle.

Reutler se tut, devinant que le tigre le guettait.

— S’il est si fort, c’est qu’il ne m’aime plus, rêvait-il affreusement bouleversé. Pourquoi ne pas me tendre la main au lieu de me faire des discours ?

Paul étranglait d’une mauvaise envie de rire.

Il se tint très bien durant le dîner, fit des mots et demanda l’autorisation de démurer.

— Quoi ? fit Reutler sortant de ses rêves.