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— Marie, ferme la porte, je te prie, qu’on ne nous espionne pas ! j’ai des choses à te dire… D’abord comment est-il ?

— Bien, Monsieur. Il a pris les journaux, les revues et les livres. À présent, il mange des bonbons…

— La rose rouge n’est plus à ta ceinture, Marie !

— Je la lui ai donnée, il l’a jetée par terre, disant que vous l’aviez souillée en la posant sur moi.

— Il est toujours jaloux.

— Vous croyez. Monsieur Reutler ?

— Certainement, il t’adore, fit Reutler en éclatant d’un rire cynique.

— Ah ! Monsieur ne riez pas ! Ça vous fait mal, et moi, ma pauvre tête se fend quand je vous entends rire. Je vous aime mieux triste.

Il l’attira plus près de lui, lui caressa ses cheveux courts frisés comme un petit bonnet de fourrure.

— Écoute encore. Sois patiente, car il paraît que je deviens fou… rends-moi un peu de raison, Marie. Voici mes ordres et tâche qu’on t’obéisse mieux qu’aux maîtres : je veux que nul autre que toi ne le serve. Tu as dit ce mot charmant : comme une sœur ! J’ai confiance en toi. Tu es vierge : j’en suis sûr, vois-tu, rien qu’à respirer l’odeur de tes cheveux sans parfum. Ah ! tu aurais tellement tort de mettre autre chose sur tes cheveux que ta vertu, ma chérie ! Tu as commis un grand crime, je le sais, mais tu ne feras rien de vil ou de méchant… Dis-lui qu’il sorte de cette chambre où l’air est empoisonné, où toutes ces soieries, ces velours, ces mollesses lui font des marques plus affreuses que mes coups. Qui est-ce