Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/318

Cette page n’a pas encore été corrigée

ont bien le droit de dépenser leur fortune… selon leurs goûts.

— Vous êtes sûr, Monsieur, que les caprices de votre frère ne vont pas plus loin que les parfums, les fleurs et les miroirs ?

Le médecin vrillait les yeux sombres de Reutler de ses yeux clairs. Reutler crispa les poings.

— Ah ! sortez, Monsieur ! C’est vous qui êtes un monomane, c’est vous qui vous amusez du cas spécial ! Que je sois médecin ou non, je ne laisserai pas rire de mon frère devant moi. Sortez… je ne veux plus rien entendre !

Le brave homme comprit immédiatement qu’on lui brûlerait la cervelle s’il ajoutait un mot, et il sortit.

Reutler, lorsqu’il fut loin, ouvrit une des verrières. Il étouffait.

— Leurs secrets professionnels ? Je les sais par cœur ! Ils en font des cours de clinique et ils classent les sentiments, quand ils peuvent les saisir du bout de leurs pinces, sous des étiquettes obscènes ! Moi, l’honnête homme ?… Et comment me traiterait-il, s’il pouvait vider ma poitrine ? Oui, je suis le plus fort des deux, le plus adroit… non pas le meilleur. J’ai martyrisé par orgueil encore plus que par devoir… Qu’on ne me félicite pas, mon Dieu, ce serait trop bête, à la fin ! Idiot ! Imbécile ! Mais il a raison, Éric, nous vivons entourés d’imbéciles ! La névrose, la monomanie ? Cela n’existe qu’en faisant dévier une créature de sa ligne. J’ai voulu donner des femmes à mon frère et j’ai augmenté sa rage de l’impossible. Au contact de ces sales bêtes, j’ai corrompu l’âme et