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cher dans votre cabinet de toilette, mais lui, c’est comme si j’avais… une sœur !

Et ses yeux noirs se levèrent tout rayonnants.

Reutler prit ses petites mains, ses petites pattes brunes, devenues douces, car elle ne s’occupait plus des vilaines besognes de la cuisine, elle n’était plus que l’esclave qu’on laisse libre, la mystérieuse servante-maîtresse pour laquelle on se battait à se tuer.

— Je te pardonne ce mot-là, murmura-t-il, je le crois sincère. Regarde-moi bien en face, Marie !

Elle baissa tout à coup les paupières et rougit.

Vêtue gentiment en soubrette, parce que Monsieur Paul l’exigeait, sa modeste robe de deuil se fanfreluchait d’un tablier de dentelles blanches aux pochettes nouées de rubans rouges. Elle avait des rubans… une misère d’un autre genre, et elle se contemplait dans les hautes glaces du cabinet de toilette avec la terreur de celle qui s’éprend de la vie malgré la mort qu’elle porte en elle. Ce jour-là, plantée droite devant Reutler qui l’observait froidement, elle parut dangereuse.

— Tu deviens sournoise, toi, fit-il le ton tranchant. Pourquoi baisses-tu les yeux ?

— Monsieur Reutler, vous fâchez pas ! Je ne sais plus l’existence que je mène, ici ! Je suis, des fois, pire qu’un chien et des fois comme une dame. Monsieur Jorgon me bouscule et il dit que je ferai tuer du monde ! Bien vrai, si vous le permettiez, je m’en irai…

— Tu aimeras mon frère, ajouta-t-il l’œil illuminé.

Elle eut un beau geste de dégoût.