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presque plus nature, toi, avec tes cheveux courts de diablesse ! Parole d’honneur, tu es presque plus belle en face de sa hideur morale !

Paul-Éric frissonna. Le vent de la rage courbait la flamme droite et l’envoyait lécher les pieds d’une autre idole. Reutler désertait le temple ou prouvait qu’il était capable de changer de religion.

— Mon orgueil, à moi, ne m’a jamais permis d’attendre qu’on choisisse ! Adieu, Reutler, je m’en vais ! dit le cadet des de Fertzen d’un ton sourd.

Il se dirigea vers la porte. Là, l’ivresse lui monta brusquement au cerveau. Il eut peur de pleurer, poussa un cri faible, et ne voulant pas orner le triomphe de la servante, il sortit.

Tombée aux genoux de Reutler, la petite Marie lui baisait pieusement les mains.

— Monsieur le baron, vous tourmentez pas ! Il va revenir. Ce n’est pas sérieux des brouilles de frères ! S’il est fâché à cause de moi, c’est moi qui m’en sauverai. Je suis rien du tout et j’ai fait trop de dégât dans la vie ! Monsieur Reutler, vous êtes tout pâle, parlez-moi ! Mon Dieu ! Vous si bon, il ne faut pas vous faire tant de chagrin ! Voulez-vous que j’appelle quelqu’un ?… Bien sûr, c’est une drôle de maladie qu’il a, sa méchanceté ! Enfin, tuez-moi de bon cœur… j’aime mieux, que de vous voir, vous, comme un agonisant !

Reutler n’écoutait rien. Il suivait, de loin, la marche de son frère. Il allait dans sa chambre ou dans l’observatoire, il prenait du poison, la jolie mort qui ne défigure pas, et c’était fini… et lui, Reutler, enchaîné par son honneur — une chimère très indistincte — il ne bougerait point, il se devait