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vent, elle le voyait, un bras passé aux épaules de son jeune frère, s’incliner vers lui, léger comme un sylphe, de tout le poids de sa force. Il lui semblait, de loin, que l’homme noir se penchât pour respirer une branche de rose, ou la cueillir. Ah ! ces deux frères s’aimaient bien ! Elle avait presque du bonheur à le savoir. Elle ne pensait pas, elle ne souffrait plus, elle était vaguement heureuse, en fidèle gardienne de ce feu sacré qui est l’amour très pur d’une femme pour un homme qu’elle n’a pas le droit de désirer. Le jeune frère serait toujours méchant, mais on le gâtait trop ; il y a de ces Benjamins dans les familles riches, qui sont moins coupables parce qu’ils sont les plus choyés ! Oui, elle se ferait propre pour servir leurs hôtes et surtout pour servir le maître… Elle ne se souvenait plus d’aucune injure…

— Monsieur le maire, dit gracieusement Reutler, me ferez-vous l’honneur de vous rafraîchir ici ? Sur le terrain des réconciliations, on a toujours très chaud, vous le savez.

Et il sourit. On venait de lui rappeler, en s’expliquant un peu longuement, qu’il était prussien, tout de même.

On salua, du front, l’air fier, comme il convient chez l’étranger. Enfin, cela n’engageait à rien. On boirait. Reutler se dirigeait vers un timbre, lorsque Paul-Éric rentra. Reutler s’arrêta, rebroussant chemin, le sang figé.

Paul avait endossé une robe de chambre 1830, qu’il affectionnait particulièrement pour ses petits levers. Au lieu de s’habiller, il s’était déshabillé. Délaissant la coupe anglaise, il portait une ample