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cette défunte puissance, pourvu qu’ils fussent jeunes et de volontés souples. Le mari, d’origine bonapartiste, en bénéficiait de temps en temps. Cela n’ahurissait plus personne ; on en avait pris l’habitude, comme on prend l’habitude, dans les sociétés officielles, des choses absurdes qui se répètent souvent.

Geneviève incarnait à merveille le type de la Gauloise. Grande, active, se mêlant de tout ce qui ne regarde pas les femmes, son visage ovale, diadémé d’une belle chevelure châtain, dominait altièrement les occultes conseils de guerre ; elle possédait des yeux bleu-pervenche très doux, un peu hagards, une bouche sensuelle très rouge, et commençait à s’épanouir en un embonpoint de matrone qui attend le retour du fils tué par les barbares, les pieds solidement attachés au sol glorieux de la patrie. D’ailleurs, sans enfant, elle jouait volontiers à la poupée avec les destinées de la France. Mignarde, cruelle, sotte, impérieuse, le cerveau fleuri de myosotis, elle se croyait une mission, tâchait de ne pas y faillir et chaque matin constatait, le long des colonnes de ses journaux préférés, qu’elle élevait, de plus en plus, l’adultère à la hauteur d’une institution nationale. Elle ne se sentait pas aussi coupable que d’autres, parce qu’elle racolait des hommes pour l’amour de son pays. Elle leur inculquait, entre deux caresses, de dignes pensées de revanche, le respect du pantalon garance et celui de la république.

Son cercle de gardes d’honneur était restreint ; elle les choisissait mûres et on trouvait, chez elle, un lot de vieilles dames, dont les lointaines cul-