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tra comme une bombe dans la grande salle dallée où les gens de sa maison contemplaient leurs ongles… une mode à Rocheuse ! La cuisinière eut un geste d’effroi. Les garçons d’écurie sursautèrent, et, du fond de la vaste cheminée, du milieu des cendres, une tête brune de pauvre petit garçon souffrant se dressa.

— Où est la petite laveuse de vaisselle ? demanda le jeune homme de son accent bref.

Le groom s’empressa, obséquieux.

— La voici, Monsieur Paul.

— Oh ! C’est drôle ! Elle a vraiment coupé ses cheveux… elle est gentille tout plein ! Je viens te chercher, petite, de la part de Reutler. Tu sais, le bon Dieu ! Prends un plateau, des bouteilles de Lunel et des verres. Il y a là-haut des gens qui ont soif. Un peu de toilette, c’est-à-dire, lave-toi les mains… Compris, n’est-ce pas ?

Médusée, elle restait debout, oubliant de poser la marmite qu’elle récurait.

Paul, envoyant un signe aimable au groom, se sauva pour aller s’habiller.

Depuis trois semaines, chaque soir, la jeune condamnée, comme celle qui attend la décision suprême en respirant le vent d’avril à travers les barreaux de sa prison, s’accoudait sur la dernière terrasse des pelouses et elle regardait dans la direction du château. Elle se trouvait cachée par les ombres du bois, se blottissait sous l’anse d’une des grandes urnes fleuries, et, personne ne pouvant l’imaginer là, elle guettait l’apparition du maître, de cet homme grand et doux, toujours vêtu de deuil, qui rêvait sur la plate-forme de la serre. Sou-