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grand ? Je veux savoir. Les questions d’office m’intéressent, de temps en temps.

— Elle est toujours aux cuisines, mon ami, bien que tu lui aies offert un peigne de nacre. On lui a coupé les cheveux. Pauvre petite ! La misère… et nos gens ont des répugnances étonnantes. C’est ton aimable groom qui l’a engagée à ce sacrifice, selon le rapport du fidèle Jorgon.

— Oui, je lui ai donné un peigne, mais je ne lui ait pas dit de couper ses cheveux… Elle les a coupés elle-même… tu es sûr…

Paul souriait tranquille.

— De quoi puis-je être sûr ? On m’obéit si mal depuis que tu commandes ! murmura Reutler. D’ailleurs, on ne coupe pas les cheveux d’une femme sans son autorisation, que je sache, et surtout, chez moi ! On n’oserait.

— Reutler, tu es un dieu… et comme tel, tu as le front dans les nuages.

Paul s’éventait d’un geste lent, les regards calmes.

De la campagne monta une bouffée de brise chaude qui enfla les stores et fit vibrer harmonieusement, sous des branches fouettantes, le cristal des marquises.

— Je trouve cette journée divine, en effet, soupira Reutler, mais un peu énervante. Je commence à être las… de tes épigrammes, cher petit.

— Pas besoin de ménager les gens très forts ! objecta le jeune homme dont les yeux cillèrent, malicieux.

Ils se turent. Dans le grand silence éclata, de loin, le cri discordant, le cri d’horreur joyeuse du paon qui s’ébrouait.