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bonne humeur, qu’une tache brune, du sang, se voyait sur la tenture de l’alcôve. À la vérité, il n’en était pas très certain, mais cette relique de famille lui tenait au cœur, comme le brevet de vertu de toutes les Crossac passées, présentes et futures. Bon, affable, portant spirituellement une tête chauve de vieil employé de bureau, il essayait de se dissimuler le plus possible parmi les adorateurs de Geneviève, et considérait sa femme comme une créature privilégiée, destinée à rendre des services d’ordre public, une gloire française enfin. Pouvait-il ignorer les frasques de la comtesse ? C’était difficile ! Cependant, le couple, aux cérémonies parisiennes, grands dîners, premières, inauguration de statues ou d’expositions, faisait son effet de dignité, immanquablement, selon les lois obscures qui régissent l’apparition des vieilles comètes, et, malgré les bruits scandaleux circulant sur Madame, les journaux sérieux n’oubliaient jamais de s’extasier, en les flatteuses épithètes d’usage, au sujet de la touchante solidarité qui unissait les deux époux.

Saint-Simon prétend que, seules, les femmes de cour ont le droit de tromper leur mari. Les bas-bleus, ayant remplacé, en France, les femmes de cour, semblent conserver pieusement la tradition du… coupe-file matrimonial. Pour Geneviève de Crossac, ses nombreux amants étaient même le meilleur de son bagage littéraire, car elle faisait encore plus de romanciers et d’attachés d’ambassades que de bons livres. Son influence, émanant d’une ancienne liaison avec un célèbre tribun républicain, se propageait efficacement jusqu’aux pires ennemis de