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haïssait Paul. Chose étrange, Paul tolérait toutes ses colères. C’était tellement le plus beau paon du monde ? Ce jour-là, du milieu des pelouses, le prince Mes-Yeux venait de monter jusqu’au jeune homme, les ailes frémissantes, l’œil fixe, son bec de pourpre prêt à la cruauté. Entre les deux rois de Rocheuse, la bataille s’éternisait, et malgré l’offre des meilleures friandises, l’oiseau rageur battait belliqueusement de l’éperon sous les soyeux volants de sa robe.

Reutler, assis à l’autre extrémité de la serre, contemplait cette scène de grâce et rêvait. Le livre qu’il lisait avait depuis longtemps glissé de ses mains molles, il respirait voluptueusement l’air tiède, admirait la féerie de la campagne, que des nuages, passant vite, couvraient de caresses légères, et le jeune rieur, planté droit, le front haut, comme épanoui en fleur d’or.

Calme ! douceur ! est-ce que l’air ne sentait pas la vanille ?

Ah ! cette heure divine ! l’heure de la sieste ! Pour se laisser vivre une heure dans ce paradis, ou cet enfer, sans penser, sans parler, sans lutter, il finissait, quelquefois, par croire à la bonté de la nature… Surtout, quand il entendait le pas de Paul-Éric franchissant le seuil du grand salon, ce pas souple qu’il entendait toujours parce que son frère ne faisait aucun bruit en marchant. Ce pas de félin rôdeur ! Quelle joie secrète il lui donnait, joie plus intense de tout son mystère !… Oui, le vent qui semble rouler sur elles-mêmes les lointaines routes poudreuses, embaume la vanille… et ce n’est pas la chevelure blonde que l’on secoue dans l’air ! La na-