Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/284

Cette page n’a pas encore été corrigée

de Monsieur le baron, parce qu’il t’a promenée comme le Saint-Sacrement une certaine nuit… Oh ! Il faisait diablement chaud, cette nuit-là ! Donc, avec le secret de l’église, voilà deux secrets que je te vole ! N’ouvre pas les yeux en soupiraux de cave. Il ne faut jamais broncher ou je frappe. T’ai prévenue. Tu n’étais encore personne, le martyre va te faire quelqu’un… Attends ! je n’ai pas fini… Tu vas te peigner soigneusement, tu as une chevelure splendide, mais tu n’as guère que cela. Quand tu auras tout démêlé, tout lissé, je les couperai et je les garderai. Après les miens, qui sont les plus beaux du monde, ma chère, j’adore les cheveux noirs.

Affolée, la jeune fille, dont l’intelligence obscure avait, par moment, des éclairs de grande lucidité, se précipita vers la porte. Elle ne doutait pas, car elle se sentait en la puissance d’un ennemi.

— J’ai la clef dans ma poche ! dit le cadet des de Fertzen qui se leva souriant.

Il lui prit les mains, les lui tordit derrière elle.

— Tu es ma prisonnière-, petite. Dans les prisons, ne sais-tu pas qu’on coupe les cheveux des condamnées ? N’aie pas peur… je suis très fort, mais je ne viole plus. Voyons ! Sois raisonnable ! Mes filles de chambre ne doivent pas avoir de poux… On ne peut tolérer cette infraction au règlement, même en ton honneur. Alors, nous prenons une mesure très radicale. D’ailleurs, je les achète, tes cheveux. Combien, dis ? Fixe toi-même la somme. Crois-tu que je ne puisse pas payer mes caprices ?