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— Monsieur, je ne mentirai pas… J’ai besoin d’un peigne et j’ose pas aller au village en acheter un… vous comprenez, rapport à… l’église.

Tombant des nues, Reutler se leva.

— Vous me dérangez pour un… peigne ? s’exclama-t-il d’une voix tranchante.

Elle joignit les mains sur son fichu.

— Ils disent que j’ai des poux, Monsieur, c’est pas vrai. Pourtant si personne ne veut me prêter de peigne, j’en aurai… et alors, ils me feront chasser d’ici.

Un moment Reutler eut le vertige. Il songea qu’on pouvait saisir cette fille par ses jupes et la lancer du haut du donjon. Incendiaire soit !… mais femme à ce point… non, cela dépassait les bornes, puis, il réfléchit, en étudiant ses yeux où se lisait la plus chaste des prières, celle qui demande la protection du plus fort contre l’horreur de la vie quotidienne.

— On vous tourmente ?… Répondez. Jorgon ne suffit-il plus à vous garer des plaisanteries de l’office ? (Il s’arrêta très soucieux.) On plaisante donc chez moi ! ajouta-t-il avec toute la naïveté de l’homme riche qui paye et s’étonne de ne pas en avoir pour son argent.

— Oh ! non, Monsieur, on est bien bon, chez vous ! Je mange des bonnes choses et je boirais toute la journée si je les écoutais… ce n’est que le peigne… m’en faut un… et je veux pas le voler vous comprenez. Je descendrai jamais au village toute seule, j’ai trop peur.

Tout à coup, la trappe glissa et, d’un bond léger le cadet des de Fertzen jaillit comme un grand lis