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de Rocheuse où le soleil mourant mettait un inaccessible lit de pourpre

Durant plusieurs semaines, ce fut le supplice lent, raffiné, celui qu’on ne peut dire et celui qui tue. La petite servante, moins qu’aucune autre, n’avait le droit de se plaindre. Certes, personne n’eut l’idée de la brutaliser et elle reçut un costume décent, fait exprès pour elle, des chemises, un joli tablier garni de broderies, dans les poches duquel on mit de l’argent pour la forme, Seulement, il planait sur son front de maudite toutes les vengeances dérisoires. Elle mangeait des viandes gâtées, trouvait des souris mortes entre ses draps, et on l’accablait de travaux inutiles. On n’avait plus besoin de se gêner, puisqu’elle n’était pas assez adroite pour s’attirer les regards des maîtres. Elle paraissait idiote, elle ne buvait pas, et cette horreur qu’elle ressentait des bains la rendait tout à fait odieuse. Françoise lui reprochait sa crasse, son très naturel teint de brune, qu’elle ne parvenait pas à s’arracher de la peau, malgré le vinaigre dont on additionnait ses eaux de toilette. Enfin un jour, fatiguée de se servir d’un démêloir dont il ne restait déjà plus que six dents, elle demanda un peigne neuf. Cela sembla colossal. Un garçon d’écurie, imperturbable, lui offrit une étrille ; le groom lui apporta la brosse à chiens, et le cocher, goguenard, lui mit un clou rouillé dans son assiette. La cuisinière refusa d’en prêter un, insinuant qu’elle ne pourrait jamais le reprendre. Le courage lui manquerait. Il y a de ces choses simples que les gens propres ne peuvent vraiment pas faire.

— Mais, dit Marie doucement, si je ne peux plus