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Elle vint frapper à la porte de la salle de bain, tenant une bouteille :

— Voulez-vous du vinaigre ? demanda-t-elle. C’est souverain contre les démangeaisons.

Et la fille éperdue, pensant qu’on allait ouvrir cette porte malgré le verrou, se précipita dans la baignoire jusqu’à la bouche.

Cela fit un grand bruit d’eau remuée qui couvrit le tapage de leurs éclats de rire.

— Enfin, elle a bu ! ponctua Célestin.

Tumultueusement, ils réintégrèrent la cuisine pour cracher, dans leurs petits verres vides, les plus révoltantes obscénités.

… En haut, sur la terrasse, Paul-Éric de Fertzen, couché le long de la balustrade blanche, lisait ses derniers poèmes à Reutler, et son ton chanteur de femme qui va pleurer emplissait l’espace d’une musique éolienne. Enchaîné par le charme infini de cette voix, le grand hercule noir écoutait sans oser protester. Comme un encens dont le parfum se multiplie capricieusement sous les envols fous de l’encensoir, l’odeur des roses de la serre, fouettée par les brises du crépuscule, lui cerclait les tempes de petites mains moites. Un paon superbe, le favori de Paul, qu’on appelait : le prince Mes-yeux, dardait, vers ses genoux, sa tête fine, sa tête de serpent couronné, tandis qu’à ses pieds, sur le sable couleur de soufre, s’étalait la traîne impériale de toutes ses plumes irisées de gemmes précieuses… Pour échapper au délire de cette heure exquise, Reutler s’efforçait de regarder quelquefois plus haut, encore beaucoup plus haut, jusqu’au donjon