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Tour à tour, il se faisait le bonhomme ou le tyran, mais, depuis longtemps, il avait renoncé à la tenue en dehors du service. On devinait si bien que le baron de Fertzen, le maître, voulait la liberté de ses gens parce que lui-même devenait esclave.

Quand Marie, la petite servante, entra dans les cuisines, elle fut éblouie. La rutilance des cuivres et les fourneaux flambants la charmèrent. Il y avait près de ce feu, inutilement entretenu toute la journée, une vieille femme à menton bourgeonné qui lui plut, car elle riait aux éclats. Les domestiques de Rocheuse s’offraient des apéritifs en attendant l’heure du potage. Ils se levèrent, exagérant leur politesse, et un garçon d’écurie dit, d’un ton déférent :

— C’est Mademoiselle.

Elle demeura très effarée, n’osant pas sourire. Pourquoi l’appelait-on Mademoiselle ?

Jorgon procéda sommairement à l’installation.

— Vous serez convenables, vous m’entendez. Monsieur le baron a la bonté de recueillir cette personne. Ça vous suffit, n’est-ce pas ! Elle aidera aux vaisselles. Qu’on lui prépare une chambre, à côté de Françoise. Surtout pas de blague.

Et Jorgon, appelé par un violent coup de timbre, remonta, en oubliant le reste de son discours. Le service avant tout.

On se regarda, stupéfait. Ce n’était donc pas un caprice de Monsieur Paul ? Une bonne œuvre de Monsieur le baron !… Un rire étouffé circula. Le groom Célestin cligna de l’œil. On pourrait s’amuser. La vie de province n’était pas d’une gaîté folle à Rocheuse où l’on ne recevait jamais. Près d’un