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gens. Pas un mot et pas un geste en dehors du service. C’est la règle et Jorgon est aussi chargé de la faire respecter. Il m’est indifférent que vous ayez brûlé des églises. Il me serait très désagréable de vous entendre parler haut.

Elle se releva et, sans plus rien répondre, sortit. Comme elle se dirigeait vers le grand salon de Rocheuse :

— De ce côté, petite ! dit Paul lui désignant le corridor qui menait aux cuisines.

Obliquant un peu, la sauvage domptée s’effaça.

Elle descendit, tâtant les murs de pierre, s’enfonçant dans les sous-sols et ne pensant à aucune chose du passé, comme une hypnotisée qui va où le maître l’envoie. C’était, pour elle, un monde féerique, une sorte de luxe géant dont elle allait devenir la base.

Dans les sous-sols de Rocheuse, ainsi qu’au fond des entrailles d’un monstre, grouillait de la vermine, une société parfaitement pourrie et parfaitement correcte. Rien ne transpirait de ses ébats ou de ses révoltes. Séparés des élégances du premier étage par d’épais planchers de chêne, le bas du château était odieusement immonde, et on aurait pu croire que sur les terrasses fleuries les rosiers de Paul-Éric de Fertzen prenaient des nuances plus rares à cause du fumier humain dans lequel plongeaient leurs racines. Pas un mot ou un geste en dehors du service, telle était la règle. Jorgon, le bon vieil intendant, savait ce que coûtait ce règlement institué par Monsieur Paul et ce qu’il valait d’hypocrisies. Jorgon gouvernait ces êtres avec la poigne fantasque de ceux qui ont toute licence.