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Elle pressa son fichu sous ses petites mains noires, maigres, recroquevillées en pattes, demeura muette.

Paul, gracieusement, lui offrit un verre de champagne.

Elle recula sa chaise.

— Alors… de l’eau ? fit-il décidé à être aimable.

— Non ! je veux m’en aller !… dit-elle enfin nettement.

— Alors… mon bras ? continua Paul ravi.

— Où faut-il vous reconduire ? demanda Reutler.

— Où vous m’avez ramassée ! je suis perdue, j’ai pas de maison.

— Tu ne vois donc pas, mon grand, que Mademoiselle allait à un rendez-vous et qu’elle désire garder son secret !… risqua Paul croquant des petits fours.

— Laissez-moi tranquille ! Est-ce que je vous parle ! cria la jeune fille, brutale.

— Elle est exquise ! Reutler, j’ai sommeil (il bâilla) et je suis bon de me mettre en frais pour ta duchesse.

Le second valet de chambre qui servait le souper fut obliger de se détourner pour ne pas rire.

— Voulez-vous de l’argent ? questionna Reutler tout anxieux.

— Pour quoi faire ? j’ai rien à acheter.

Elle avait un son de voix dur et appuyait, un peu gutturalement, sur certaine syllabe.

— Il faut vivre, ma pauvre enfant.

— Je vis bien depuis huit jours qu’ils m’ont mis dehors sans mes gages !