Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/249

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Tu es absurde ! Quels soins ! C’est attendrissant, ma parole d’honneur ! Elle aurait été bien mieux avec des cheveux courts ! Dis donc, petite, est-ce que tu es muette ?

— Voyons, Éric, gronda l’aîné, elle est muette comme toutes les paysannes devant deux Messieurs. Ne l’intimide pas davantage, elle souffre, cette enfant. Mais pourquoi ne pas nous avoir appelés quand nous sommes passés. Que diable, on vous sauvait tout de suite. Là ! c’est fini. Où alliez-vous ? D’où veniez-vous ? Demeurez-vous loin ?

La petite paysanne ne répondit pas et retomba par terre, inerte.

— Elle est blessée peut-être. On ne peut pas la laisser là, dit Reutler perplexe.

— L’emporter, c’est dangereux car elle traîne, derrière elle, un joli fagot. On se piquerait. Méfie-toi, mon grand !

— Et Jorgon qui doit nous attendre, affolé par la rentrée des deux chevaux sans maître.

— Il est écrit que je marcherai pieds nus, soupira Paul qui eut un mouvement de colère à voir Reutler emporter résolument la fille.

— Et moi ? cria-t-il.

Reutler détourna la tête.

— Toi, tu es un homme ! Tu n’as qu’à choisir le milieu de la route, un peu de poussière ne te meurtrira pas les plantes, espèce de chatouilleux.

Paul eut un effrayant regard de haine pour la petite blessée.

Ils marchèrent un quart d’heure, silencieux, et au détour du chemin, ils aperçurent Jorgon se pré-