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lourdes, accrochés aux branches du roncier. Elle avait dû se faire prisonnière des épines comme une biche se fait saisir au collet. Poursuivie par on ne savait quel danger, en franchissant le fossé d’un bond, elle était tombée là, sa pauvre tête à la merci des doigts crochus de l’églantier, tiraillée, écartelée en d’intolérable douleur. Depuis que les chevaux avaient, la première fois, flairé sa présence, elle endurait ce supplice, et elle l’aurait, probablement, enduré toute la nuit sans les merveilleuses divinations de Reutler.

— Pourquoi n’appeliez-vous pas ? demanda celui-ci essayant de dégager la malheureuse.

— Elle est drôle, cette petite, déclara Paul, allumant une à une toutes ses allumettes, car il n’y voyait pas la nuit comme son aîné.

Reutler s’efforçait de débrouiller ce paquet de fils noirs et tout semblait s’embrouiller de plus en plus.

— Tu es impayable, mon grand, tu vas me faire coucher ici ! Tiens ! Je retrouve par hasard mon onglier, voilà des ciseaux, coupe. Ça repousse les cheveux de femme, tu sais ! Crois-en ma vieille expérience.

On vit la face pâle rougir et les yeux s’illuminèrent, très fous de peur.

— Ne craignez rien, dit affectueusement Reutler, je vais couper… les ronces, au lieu de vos cheveux ; mon frère plaisante.

Les yeux se refermèrent. Couper les ronces fut une opération très longue. Avec ces ciseaux minuscules on entamait difficilement le bois et les épines. Paul s’exaspéra.