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hors nature, toi ! Je l’avoue naïvement : l’expression la plus haute de ma sensualité, c’est la mort. Un désir qui ne se dilue pas en une infinité de très petites caresses mièvres. Il va droit, celui-là, et réalise pour toujours. Toi, c’est la souffrance, la fièvre, tous les impossibles à demi tentés. Tu es donc à ma merci, ou, si tu le préfères, à la tienne. Réfléchis un instant ! Quelle réalisation de l’impossible penses-tu m’offrir qui vaille celle que je porte en mon cœur ? Je suis, et tu es par moi ; le jour où tu veux être autre que mon frère, tu ne peux plus exister. Ah ! je t’aime assez pour ne te pas vouloir humilier perpétuellement. Quand je sentirai que mon exemple te désespère trop, que tu t’ennuies de t’entendre toi-même m’appeler : le juste… je m’en irai… et tu sais ce que cela signifie. J’aurai le courage de t’avouer que je souffre de tes souffrances par une sorte de réfraction nerveuse qui n’est pas ta spéciale maladie de nerfs, mais surtout une pitié pour ma chair et mon sang que tu gardes si mal. Moi, qui avais fait un tel rêve d’union par la force ! Et puis, quoi ? Je t’aime comme tu es. Je me contenterai d’aller plus haut si tu vas plus loin. Tu le vois ! Je te livre très loyalement le programme de nos fêtes galantes ! Tu as la prétention d’abuser de mon secret, je me refuse au chantage intellectuel car ce n’est plus un secret. Non seulement j’avoue, mais je m’en vante. Et voici dix ans que cela dure… ah !… tu es bien en retard avec moi ! Tu te crois en présence d’un monstre, tu te trouves simplement devant un homme vertueux qui t’explique, analyse, pour employer ton expression, la matérialité de sa vertu.