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sûrement ! Brûlé vif ! Merci ! Pas intéressant, le lendemain… Reutler ! Tu es jaloux ! Si tu ne le sais pas, moi, je te l’apprends ! Ah ! ce que vous êtes tous des imbéciles !… je te disque tu es jaloux… voilà… nous sommes quittes !

Pour échapper au maître, qu’il devinait prêt à n’importe quel crime, il s’affala, souple couleuvre livide, le long de la corniche ; il se fit mince, rampa de nouveau, pris de vertige, alla lui enlacer les genoux, et sa belle tête se fit extatique.

— Oui, je le mérite ! j’ai ton secret ! Ça ne se pardonne pas, ces histoires-là. Mais quand on est réellement fort, il ne faut pas abuser de sa force, ça devient de la faiblesse. Moi, je n’abuserai pas… de ton secret, je te le jure ! Tu resteras l’impossible, puisque ça t’amuse. Et le jour où tu ne pourras plus me regarder en face, nous mourrons tous les deux, chez nous… pas chez les autres… chez nous, avec des poisons, des jolies morts qui ne dérangent rien, afin que le dernier vivant puisse encore adorer le premier parti. Fais-moi grâce, dis, mon grand ! j’ai bien le droit d’avoir du goût ! Oh ! pas comme des pompiers de village, Reutler, mais comme des dieux… comme des dieux !

Et la voix chantante du jeune névrosé expira dans une syncope.

Reutler le ramassa. Il ne trouvait plus ni corps ni âme sous ces loques pâles, à peine du poids d’une fillette. Il gagna les murailles fumantes de la sacristie en le portant, non comme un dieu mais comme un paquet de chiffons, et il lui fit descendre le large escalier de pierres croulantes, la tête en bas, sans trop se soucier de ses cheveux