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n’ai plus le droit d’aller me jeter dans le feu, maintenant, si ça m’amuse !

Reutler descendit et caressa l’encolure de la jument, la calma, la prit par la figure pour la faire obliquer. Elle passa, tout assouplie, n’osant plus souffler. Elle aimait ce maître qui était un homme.

— Oh ! se lamenta Paul, moi on ne me prend pas par la douceur… moi, on m’aurait cravaché, fouetté, traîné sur le sol !… Moi, on ne daigne pas y mettre tant de gracieuses façons… pourtant, moi, je suis le cadet des de Fertzen, un poète, j’ai du génie et je suis très beau !

— En effet, avoua Reutler d’un ton qui implorait, toi tu es beaucoup plus dangereux…

Il repartirent, presque heureux de cette louche réconciliation.

Maintenant ils galopaient côte à côte, Reutler sombre et Paul légèrement fantômal, comme la folle chimère à crinière de soie qui le portait. Paul riait d’un rire muet, se croyait sur le chemin du sabbat et, par instants, crispait avec fièvre ses pieds délicats dans les étriers pour y retenir ses mules, ses mules de boudoir, des chaussures orientales d’un exquis mauvais goût, brodées d’or et de fleurs de perles.

La route serpentait aux flancs d’une colline inextricablement boisée, et on ne voyait rien de l’incendie, sauf d’étranges réverbérations nuançant les feuillages d’une clarté sulfureuse, par-dessous. Les oiseaux, réveillés, battaient les branches de leurs ailes et pépiaient, peu certains du plaisir que leur causait ce jour artificiel. Des lièvres traversaient les fourrés, déboulant droit, en flèches lourdes. Les