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— Il y a que cette jument devient vicieuse ! gronda Paul furieux. Reutler, tu me changeras cette sale bête arabe pour un anglais. J’en ai assez de ces caprices de femme saoule. Elle est dressée par toi, c’est tout dire !

Reutler, le front bas, examinait le roncier.

— Chut ! Avant d’injurier les animaux, il faut tâcher de les comprendre, mon petit. Ta bête a peur d’une chose qui n’est pas… naturelle.

Paul se rangea du côté de son aîné, ayant toutes les peines du monde à empêcher la jument de se dérober. Comme il n’avait ni cravache ni éperon, et qu’il tremblait de colère, elle se moquait de lui, soufflait de tous ses naseaux, très heureuse de le sentir en sa puissance de chimère folle.

— Nous arriverons trop tard ! cria Paul. Ah ! pour une fois qu’on se serait amusé ! Je n’ai pas de chance, non !

Il se courba sur l’oreille de sa monture, la mordit, si cruellement qu’elle essaya, hennissante, de l’envoyer rouler n’importe où.

— Leur église brûle ! Une belle histoire, murmurait Reutler étudiant l’ombre ; ce leur sera une excellente occasion de la rebâtir et de quêter… C’est gentil, les actes courageux, quand on est moralement très lâche… Éric, il y a certainement quelqu’un dans le roncier… Au contraire, la chose est très naturelle… quelqu’un qui guette ou qui a encore plus peur de nous que nos chevaux n’ont peur de lui… Ah ! Éric, qu’est-ce que tu fais ?… Misérable ! Tu l’as mordue, hein ?

— Je veux passer, rugit Paul ! Toi, laisse-moi tranquille, puisque tu me détestes… Est-ce que je