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— En effet, une excellente méthode… que doivent apprécier surtout Messieurs les parfumeurs. Revenons à la comtesse, Éric. As-tu bien réfléchi ?

— Je ne réfléchis pas, je me décide.

— Et le motif ?

— Je connais Geneviève de Crossac depuis trois ans et elle a ton âge. Ça deviendrait une union légitime. C’est déjà une habitude. Au mien d’âge, tu ne voudrais pas ? Ensuite, quelle impudeur de demeurer le féal d’une dame qui vous a déniaisé ! C’est un peu comme si, majeur, on couchait toujours avec sa nourrice. Jorgon, bouche-toi les oreilles !

Jorgon fit entendre un petit rire courtisanesque, indiquant qu’il était blasé sur les intempérances de langage de son jeune maître.

— Madame de Crossac est encore belle, de relations… sûres. Elle n’a pas mon âge, tu exagères, Éric, appuya Reutler.

— Elle est plus âgée que toi, car elle est sentimentale. J’imagine que les femmes deviennent sentimentales lorsqu’elles sont fatiguées.

Reutler éclata de rire. Sa bouche se tordit, laissant fuser un rire violent qui avait plutôt l’air d’une explosion de souffrance.

— Tu es vraiment très fort, Monsieur mon cadet.

— Non, je t’assure, il m’est impossible de continuer à tourner les pages de ses romances. Par patriotisme, elle réprouve la musique allemande, que j’aime, et ça nous induit en discussions. Je ne saurais discuter davantage !… Dis voir, grand Reutler, cet habit me va, hein ? Mais l’étoffe, ce n’est pas ça, je voulais autre chose.