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— Si je t’en demandais, une fois pour toutes.

— Je passerais outre, mon cher enfant.

— Merci.

Paul bondit hors du divan et fit trois tours dans la chambre, foulant furieusement le tapis, poussant les meubles.

Le tigre était lâché.

Reutler se croisa les bras sans manifester la moindre colère.

— Tu es fourbe ! Tu es très fourbe ! scanda le jeune homme se plantant devant lui, les yeux remplis de phosphore.

Reutler se détourna, fit rouler le télescope vers une autre ouverture du dôme.

— Veux-tu voir Vénus ? proposa-t-il d’un ton ironique. Paris n’est pas si loin !

— Tu m’ennuies avec tes allusions grossières !

Ainsi mis en fureur sans raison, il avait tout l’aspect d’un aliéné. Son teint délicat se plombait, une ride formidable se creusait entre ses yeux hagards, sa charmante physionomie prenait la férocité convenue de ces dieux infernaux de la Grèce qui gardent, au milieu du courroux, une beauté à la fois sinistre et régulière.

— Ah ! c’est moi qui suis grossier ! dit l’aîné, s’efforçant de plaisanter malgré son angoisse. Il faut pour distraire Monsieur que je lui décrive les chairs palpées, jadis, et que j’évoque les parfums des chevelures ? Voyez-vous cela ! (Reutler s’interrompit afin de dévisser un écrou du télescope ; puis il ajouta, plus sérieux :) Une envie de faire la noce n’a pas besoin de s’exhaler en insultes ! Veux-tu que nous rentrions à Paris, mon cher