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pense à me marier… mon petit ! donne un conseil, un vrai conseil de frère ?…

Ils descendirent tous les deux, le pas lent, la tête penchée, n’osant même pas se regarder sur l’épaule. Le chemin, en spirale, contournait la colline et on avait l’exquise sensation de s’enfoncer dans une mer verte.

— Jolie solution, fit Paul d’un ton rauque. Est-ce que tu plaisantes ?

— Je suis peu habile à ce genre de plaisanterie, c’est très drôle, en effet, mais j’y pense… quand j’ai le temps ! Une baronne de Fertzen à Rocheuse, ou ailleurs, ce serait du trouble… des scènes ! On s’ennuie à la campagne, je l’avoue,

— Ah ! tu veux te marier ! Tu as tellement le désir de te savoir… Pardon, mon cher, mais tu oublies qu’elle m’aimerait !

— C’est la seule chose que je n’oublie pas, ricana Reutler émerveillé de ce cynisme ; l’aventure est des plus prévues ! Une distraction pour toi et pour moi une certaine tranquillité d’âme. Ensuite, si par impossible la future baronne te résistait…

— Tu la tuerais ! conclut ironiquement le cadet. Je te prie, mon grand, de me parler d’autre chose. Tu es inconvenant !

Ils n’échangèrent plus une parole. Reutler savait que, seul, l’exercice d’une passion mauvaise pouvait tirer le monstre de son inertie, et, à tout prendre, ne valait-il pas mieux celle-là ?

Un soir, au cours d’une discussion scientifique, la conversation tomba sur les blessures, les opérations chirurgicales. Paul dit :