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bougea pas. Paul allait trépigner, on s’expliquerait et ensuite…

— Pourquoi pas s’y ruer tous les deux, pensait l’aîné conservant son rire tranquille.

Mais Paul ne demanda plus rien. Il se mit à étudier le paysage.

— Très triste, cette vallée boisée ! Un pays morne comme un cimetière. Une seconde d’ennui vaut un siècle, sur ce rond-point où il ne manque, vraiment, que des sergents de ville pour vous indiquer les concessions perpétuelles ! déclara-t-il.

— Très beau, répliqua laconiquement Reutler.

Et les deux jeunes gens se regardaient, ne voyant rien ni du ciel ni de l’eau, rien du décor, pour eux si factice, car il représentait l’éternité en face de leur heure.

— Tu aimes la nature, toi ? railla Paul les yeux mi-clos.

— Je ne contrains personne à l’aimer ! dit Reutler la bouche mordue.

— Il y a des choses qui m’y fascinent, je ne dis pas, encore faut-il qu’elles soient sincèrement inaccessibles.

— Comme les fleurs d’edelweiss ? murmura Reutler sans s’apercevoir qu’il se rapprochait du gouffre.

— Oh ! pour une boutonnière très… rurale, je ne vais pas me casser la figure.

— Tu préfères m’envoyer me casser la mienne, hein, cher petit ?

Paul saisit le bras de son aîné.

— Reutler, dit-il froidement je te défends d’aller la chercher !