Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/21

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Passe encore de broyer des perles, mais des cœurs de femmes, Éric, tu devrais y réfléchir.

Reutler grondait d’une voix lente, basse, où l’on sentait vibrer d’intenses émotions, pourtant, demeurait sans geste.

— Voyons, reprit-il après un silence, où en es-tu avec la comtesse de Crossac ?

— J’en suis… que j’en ai plein le dos, déclara le jeune homme spontanément trivial.

Ce disant, Paul s’empara d’un flacon que lui tendait son valet de chambre et, comme s’il accomplissait un rite, il en versa le contenu autour de lui, traçant un cercle parfait et ayant bien soin qu’aucune goutte de l’essence ne rejaillît sur ses vêtements.

— Quoi, cela, Jorgon ? dit-il, humant le parfum.

— Violettes russes et ambre royal, répondit Jorgon d’un ton déférent.

— Allons donc, espèce de païen ! Tu t’offres des libations, maintenant ! s’écria Reutler dans un léger mouvement de révolte.

— Pas du tout. Tu m’avoueras que rien n’est plus vulgaire qu’un homme qui se parfume directement. Moi, je respire l’odeur en question et la fais respirer à mes habits. Cela suffit pour que certaines délicates fragrances s’attachent à ma personne sans incommoder mes voisins. Seulement, cette méthode en dépense pas mal. Il faut sacrifier une grande quantité d’essence pour obtenir un bon dégagement d’effluves, tu comprends ? Avec un vaporisateur, le résultat est nul et on n’est jamais sûr de ne pas être atteint…