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tence de grands seigneurs libres se changeait en cellule d’anachorète, et ils demeuraient loin des idoles, en présence du seul dieu jaloux de tous les encens. À peine Reutler avait-il esquissé le plan de leur vie d’études que, déjà, Paul, renchérissant sur sa gravité, supprimait les récréations des mâles et, par conséquent, toute hygiène du cerveau. Un soir, en revenant d’une visite au chef-lieu, visite ayant duré quelques jours, Paul déclarait de son ton chanteur, s’affilant sur les nerfs des voisins comme une lame de rasoir :

— Mon cher, grues parisiennes ou oies de basse-cour provinciale… ça ne m’amuse plus. Ça ne m’a d’ailleurs jamais amusé de me flanquer d’inutiles indigestions… Préfère le cheval, décidément. Achète-moi une jument arabe qui ait la crinière en chevelure !…

Et il se mit à faire du cheval, prétextant que sa fatigue serait moindre. Abasourdi, Reutler n’avait rien répondu, saisi de l’âpre joie du règne. Les promenades au Bois recommencèrent, mais plus matinales, plus mystérieuses, dans le profond temple des forêts sauvages où les routes, les vieilles routes allaient en pentes veloutées de mousses. L’aîné ne tolérant plus la paresse, on devait sauter en selle dès l’aube, et il baignait son cadet dans les saines émanations des verdures, le tenait de force sous la pluie odorante des rosées vierges, comme il aurait ondoyé un nouveau-né. Ah ! les pentes se trouvaient si douces, autour de Rocheuse, à la fois si douces et si rapides, si veloutées de leurs hypocrisies sensuelles ! Escrime, natation, courses en forêts ou en