Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/202

Cette page n’a pas encore été corrigée

étendu, la souplesse d’un vêtement féminin, tandis que la sévère blouse noire de l’aîné donnait à sa rigide silhouette une dignité sacerdotale.

Le fumeur, face au ciel, recevant la pluie exquise des rayons stellaires, étalait ses soyeux cheveux blonds comme un nimbe.

Le liseur courbait la tête en une studieuse résignation.

À mi-hauteur de leur loge transparente, sorte d’observatoire, régnait une bibliothèque circulaire les enserrant d’un anneau sombre. Un télescope, au-dessus d’eux, érigeait son bras fantômal, et, à gauche du lourd pupitre, on apercevait une langue de flamme, toute vermeille, qui, discrètement, léchait un creuset.

Les deux frères ne jouaient point aux nécromants. Ils venaient passer là quelques heures de silence, oublier l’époque, surtout leurs préoccupations, et ils aimaient ce sobre décor, cette cellule astrale ne leur parlant que d’éternité.

— Ah ! La vie ! La vie !… Comprends-tu ? murmura Paul-Éric.

— Oui, répliqua Reutler, et il eut, derrière le pupitre, un geste grave. Je comprends toujours quand tu te donnes la peine de penser avant de parler.

— Je n’ai pas dit grand chose.

— Tu as dit l’essentiel.

— Traduis-moi.

Reutler se pencha hors du livre, plongeant son regard, fouilleur de ténèbres, dans les yeux phosphorescents du jeune homme.

— Tu as pensé que la vie, seulement la vie,