Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/192

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Oh ! Monsieur, bégaya-t-il désolé, comme vous devez souffrir et comme je suis ravi de me battre avec vous ! Puisque vous êtes très fort — je viens de m’en apercevoir — prenez-le, emportez-le, dépêchez-vous si vous ne voulez pas que je le fouette comme il le mérite. Ça me peinerait beaucoup de brutaliser ce bel enfant, et je ne vous dissimulerai pas que j’en ai le plus vif désir.

Reutler devina qu’il avait affaire à un honnête noceur, que les erreurs de ce genre n’amusaient pas du tout. Sans rien répondre, ne songeant qu’au trésor dont on lui restituait la garde, il roula l’impératrice dans son manteau pour étouffer, au besoin, ses velléités de révolte, et il courut jusqu’aux balustrades du grand escalier.

Complètement dégrisé, Stani murmura, en les entendant de loin, salués par les applaudissements et les huées de la foule qui essayait de disputer son acrobate byzantine au grand hercule noir :

— Je le pensais !… une aventure à se casser les reins… mais se casser les reins pour l’Antinoüs, cela dépasse un peu les bornes de l’incorrection.

 

Sous le dais de velours florentin, la princesse dormait, et elle dormait mal, car on ne l’avait pas voulu dépouiller de sa livrée d’infamie. Elle étouffait dans sa ceinture à double étage, et ce qui lui restait de ses parures lourdes lui meurtrissait les chairs. Les perles de la dalmatique, les chapelets d’améthyste, les anneaux ; les croix grecques, s’enchevêtrant le long de son corps charmant, lui entraient peu à peu dans la peau, et les menues brindilles de la dentelle d’or imprimaient sur l’une de