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patronne de Paris, sut ce qu’était un viol en temps de guerre.

Durant ces minutes d’excès, les trois souris roses grignotaient, bien sages.

L’une était assise par terre… comme un éventail tombé.

L’autre avait grimpé sur les genoux de Reutler, piquant sa poitrine d’un large camélia de tulle.

Et la troisième, juchée sur son épaule, lui caressait les cheveux.

Très intriguées par ce grand type noir qui ne les embrassait pas mais les berçait d’histoires extraordinaires, leur lisait des choses dans la paume des mains et, en buvant gracieusement dans leur trois verres, leur avait dit qui était l’amoureuse de Paul, elles l’examinaient tout en croquant les friandises dont il avait couvert le sofa. Ce type-là les ravissait, et elles en avaient très peur, au fond.

— Pourquoi que tu ressembles pas à Paul ?

— Pourquoi que tu as les yeux méchants ?

— Pourquoi que tu ne dis plus rien ?

Juliette ajouta encore, très déterminée :

— Je comprends bien, tu ne veux pas manger les gâteaux de ton frère, c’est d’un bon cœur ! Entre nous, ça tire pas à conséquence, tu sais ?…

Reutler se leva, riant d’un doux rire de tendresse paternelle. Comme un naturaliste qui se méfie de la petite bête venimeuse voltigeant de trop près, il les secoua une à une, sur le sofa, au hasard, dans les bonbons. Là, étonnées, elles s’aiguisèrent les pattes, le regardant épousseter, de son mouchoir, la poudre grasse maculant son habit.