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de toi, petite mère ! Je t’en veux aussi de demeurer presque belle sous le masque ! Tu es le symbole, la divinité de nos quinze ans ! Tu sais tout, toi ! Nous, nous ignorons ! Tu sais tout ? Tiens, c’est pas vrai ! Tu es un mensonge comme tous les mensonges ! Ah ! si tu étais seulement un honnête homme, une courtisane brave, vieille dame ! Mais pas même des complaisances dévouées ! Il faut que tu nous ahurisses de tes sentiments virginaux ! Nous ne savons plus du tout à quoi nous en tenir !… Est-ce ma mère ? Est-ce une catin ? Répondras-tu, à la fin, misérable ? Oui ! oui ! vieille dame ! Il faut qu’on te respecte ! Tu es la France ! Eh bien, je ne veux plus veiller en ton honneur, la France. Tu ne te paieras plus ma peau, la France, ton café fout le camp !

Paul se mit debout, se cramponnant à la table ; il renversa les coupes. Ivre de colère, surtout parce qu’elle se taisait, il marcha sur elle, les poings tendus.

Madame de Crossac leva lentement le bras, son beau bras, et Paul recula malgré lui, perdant la tête.

— Un revolver ? fit-il chancelant, n’ayant vu briller que des bagues. Tu vas me tuer comme tu as tué Jane Monvel ! La dernière ressource de ta diplomatie, la guerre ! Non ! c’est épatant comme tu m’aimes ! Tu vas faire pleurer tout le corps de ballet, ma chère ! Encore un enterrement d’artiste. On me découvrira du génie, et Reutler entrera tout seul au couvent ! Méfie-toi ! Tu vas me rater, ça va faire du bruit. Non, c’est très drôle, tu m’aimes jusqu’à ça ? J’aurais jamais cru ! Tire donc ! Je