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m’exposez à des choses horribles ! Cette fille est complètement ivre, mais elle est jalouse et elle va me crever les yeux. Prenez-la par les épaules et jetez-la dehors, si vous avez du cœur.

Paul attendit la semonce du personnage chauve pour lui administrer un de ces soufflets retentissants qui, dans tous les pays, suffisent à proclamer la suprématie d’un sexe. Il s’amusait énormément. Cela s’embrouillait de plus en plus, surtout dans sa tête. Il voyait le domino bleu myosotis d’un beau vert tendre, et les lampes discrètes tournaient autour de lui en tirant des langues rouges. Ensuite il avait très soif. Oh ! une soif inexplicable, quoiqu’il vînt du buffet. La grande histoire était de né pas bafouiller. Un poète, ce n’est intéressant que si cela plastronne jusqu’à la pire des soulographies ou… des souffrances.

— Très chic, dit-il s’appuyant sur le fauteuil. Madame prononce cabaret pour brasserie. Ça la recule de cent ans. Mais c’est dix-huitième ! Moi, la maîtresse à Monsieur ? Il est trop vilain. Vraiment, comtesse, il ressemble à un matou scalpé, votre favori ! Et si je dis scalpé, c’est parce que vous êtes là ! Vous aimez les métaphores.

Hypnotisé, le prince ne bougeait plus.

— Serais-je gris moi-même ? Elle est divine ! Où ai-je pu la rencontrer ? Ah ! si on pouvait se débarrasser De l’autre ! (Il chuchota :) Comtesse, n’irritons pas l’intruse, évitons tout scandale ! Je suis désolé… désolé !

Paul s’approcha, familier, prêt à lui tirer les moustaches.

— Que ronronnes-tu, mon gros chat ? Voyons !