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— Gage d’alliance ! dit-il solennellement, sachant par expériences quotidiennes toute la valeur d’un mot creux qu’on laisse tomber de haut.

Il baisa le poignet, remonta un peu vers le coude. Ça, une aventure ? Jamais de la vie ! Un flirt, oui bien ! Alors, pourquoi pas une invitation chez elle et la tasse de thé banale ? On s’entendait de moins en moins. Les Parisiennes, des monstres ! Et les voisins, eux, les sacrés farceurs, qui s’amusaient derrière les cloisons !

— Oui, dit tristement la comtesse, vous m’avez promis de réaliser des choses surhumaines, et je serai humaine… à cette condition. Avant mon amour, il y a mon pays !

— Avant un amour, il y a généralement un autre amour ! pensa le diplomate, d’instinct très au courant de la situation réelle. Seulement, nouveau venu, il ne pouvait pas appuyer sur cette corde. Et puis, la courtoisie…

— Nous nous écrirons, les baisers s’effacent, les lettres restent ! Je serai littérateur et vous prudent ! Stani, laissez-moi encore cette nuit de pleine possession de moi-même, je n’envisage pas sans terreur notre lune de miel à distance, je suis mélancolique malgré mes sourires de gamine ! Demain, dites ! Je veux éprouver votre passion, si vous me respectez jusqu’à la naïveté !… je puis me donner jusqu’à la folie. Je suis celle qui arde vers le tout… ou rien !

Stani, buvant beaucoup, se disait qu’avec de l’audace on arrive, quelquefois, à prendre les places fortes tout seul, mais, encore, faut-il être bien sûr qu’elles ne se rendront pas, du soir au lendemain, de bonne volonté.