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du champagne, parce qu’il fallait bien se rattraper sur quelque chose, je n’ai pas exprimé une opinion personnelle ! Je n’ai jamais osé prendre une place forte tout seul. On fait faire ces exploits-là, généralement, par ceux qu’on a sous ses ordres. Vous, vous dirigeriez les hommes par l’amour platonique… c’est un don ! Moi, quand je suis à l’Opéra, je pense comme un Monsieur quelconque, j’ai envie de plaisanter, je ne crois plus à la direction morale des combats, ni à celle des peuples ! Et je m’oublie à songer que le knout est une bonne moitié de la puissance. Je me rétracte, le lendemain, quand je suis chez vous, chère amie, car vous me prouvez tellement le contraire par votre attitude… Ah ! ce champagne est vraiment drôle ! Comtesse, vous n’en prenez pas ? Il a un petit goût vert… Je bois à vous, méchante !

— Non ! il est très mauvais, ce champagne, je lui préfère celui de mes caves. Merci’ ! Je serai franche, boire ici, cela me gêne… entre toutes ces loges où se nouent et se dénouent de si basses intrigues.

— Je bois en vous regardant et je déclare ce champagne exquis ! Tout à fait drôle. Il gratte légèrement le gosier, je l’adore… On adore ce qu’on peut ! Je vais vous taquiner à la hussarde, Madame ! Mais si vous me faites du chagrin, je suis capable de me noyer dans ce verre ! Auprès de vous, je ne suis qu’un petit garçon, et quand on me gronde, je vais dans les coins et je casse tout !… Méchante ! Méchante !

Geneviève regardait son crâne ivoirin, elle se mit à rire, lui tendit les doigts.