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sommet vierge… en une atmosphère glaciale, mais si salutaire aux poitrines exténuées ! Il ne faut que deux choses pour nous le bâtir, ce temple des mystères divins : ta volonté, la mienne ! Dites, ma princesse à la bouche fardée de lie, le voulez-vous ? Le geste chaste vous est-il donc impossible et ne pouvez-vous déposer pour toujours ce masque de Nessus que vous vous êtes collé ridiculement sur le visage ? Irène, mon Irène, la seule pierre fausse de vos parures, est-ce donc votre cœur ?

Stupéfait, Paul s’était serré peu à peu contre son frère dans un spontané abandon de tout son corps frémissant et charmé. Il ferma les yeux, saisi de vertige, se roidit puis eut un moment de fureur.

— Ah ! fit-il, je commence à comprendre ! Parbleu ! Ce devait être cela ! Toi, le grand illuminé, tu devais y venir ! Pas toi sans moi, hein ?

Reutler se taisait, les paupières battantes. Reutler était un adorateur de la musique ; ou profane, ou sacrée, elle le troublait toujours, et, malgré lui, il avait déroulé ses phrases en suivant le rythme de la valse lente que jouait l’orchestre. Il arrive toujours une minute suprême durant laquelle, par une exquise transposition de clavier, les sens d’un homme sage vont s’épanouir comme une vénéneuse floraison au centre même de son cerveau.

— Pas toi sans moi ? Que veux-tu dire ? balbutia-t-il pressant plus fort le bras d’Irène.

— Mon Dieu, s’écria Paul hors de lui, le voilà, ton secret, ton fameux secret. Tu veux… que nous nous fassions prêtres tous les deux ? Pour te ga-