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— Vous vous trompez encore, dit d’un ton sec un manteau vénitien, très noir, dans l’ombre de la porte, le baron de Fertzen, c’est moi. Il vous plaira de rectifier, n’est-ce pas, cher Monsieur ?

Reutler tendit sa carte.

— Diable ! grommela le jovial, vexé. J’ignorais que vous fussiez le… frère. Et vous savez, dans le doute, on se risque à faire les rustres. Nous sommes en carnaval, quoi ! Je me mets à votre disposition, naturellement. Ah ! réussi, le costume de votre… cadet. Le clou de la soirée ! Mes sincères félicitations, cher Monsieur.

Dès que Reutler eut tourné le dos, le chœur s’indigna.

— Vous n’allez pas provoquer ce grand spectre ! Ce serait idiot ! dit le journaliste avec autorité.

— Est-ce que vous plaisantez ? fit le boursier furibond. L’on ne pourrait plus s’amuser à l’Opéra, maintenant ? D’ailleurs, il m’a tendu sa carte, histoire de me prouver qu’il était réellement le frère. Il n’a pas eu d’idée de derrière la tête, sans cela… Le vrai baron de Fertzen… l’aurais jamais cru… il ressemble à l’homme des cavernes !

— Fertzen ? Un rasta ! déclara nettement le premier Brésilien.

— Voulais lui flanquer des gifles ! appuya le second.

— Très drôle, philosopha le journaliste ; en France, à l’heure actuelle, ce sont toujours les rastas qui ont envie de se battre !…

Reutler, frissonnant de dégoût — il sortait si